Pas d'adieu, pas de saga, pas de larmes. Pas encore. Même pas de poignée de main franche et amicale entre deux Français à la fin du match. Bredouillant son tennis en début de match, contestant pas mal de balles, pour finir en crampes après 1 h 37 de jeu, Terence Atmane a raté un match qui aurait pu garnir son palmarès vide de succès en Grand Chelem, et mettre un terme à celui de Richard Gasquet.
Mais ç'aurait été triste de finir dans ces conditions, dans une journée sans soleil, dans un central mieux représenté en tribune officielle que dans les gradins remplis aux deux tiers, et dans une partie décousue où le public s'est mis à chanter quelques « Richard ! Richard ! » essentiellement parce qu'il avait pris - un peu - en grippe son adversaire à la force de frappe inégale, finissant par capituler sans lutter avec ses muscles tétanisés. Tant mieux pour Gasquet.
Le vétéran qui a bien soigné un mollet récalcitrant n'avait pas joué depuis le tournoi de Monte-Carlo en avril. Il a pu reprendre sans excès de souffrance dans une partie négociée fissa en 2 h 17, où tout se décidait souvent avec les parpaings aboutis ou non (le plus souvent) de son adversaire, tandis qu'il prouvait sans trop de mal qu'il avait la caisse pour faire jouer le coup de plus.
Sans excès de souffrance et avec une ou deux « gasquetteries »
Avec en prime une ou deux « gasquetteries », dont ce petit passing court croisé délicieusement glissé dans la foulée d'une amortie après une heure de jeu. Interrogé sur le court par Lucas Pouille à la fin du match, le Biterrois, avant sa cérémonie qui pourra au moins attendre jusqu'à jeudi, préférait revenir sur la célébration grand style réservée à Rafa le presque Français, qui l'avait très vite honoré dans son discours. « J'ai un petit 18-0 contre lui, il m'a fait mal, mais au moins il m'a cité, souriait-il. Et ça m'a procuré beaucoup d'émotions, ça m'a donné l'envie de gagner aujourd'hui (lundi) ! »
Motivé par l'idée d'un rab, le Biterrois a assuré en vieux briscard, loin des grandes heures passées dans ce stade, souvent exaltantes mais frustrantes, et dans un état conforme à son usure après un 22e Roland-Garros dans les pattes. Rayon crampes, certains gardaient en mémoire le récital contre Grigor Dimitrov - 2e tour en 2012 -, parce que s'y téléscopaient les images d'un Bulgare rampant sur le court, pulvérisé physiquement par le Français (un sacré pied de nez). Mais rayon dramaturgie, cela n'avait rien à voir, lundi. Restait la tension d'un instant sur le fil, où tout pouvait s'arrêter pour de bon.

Il jouera un peu la gagne et beaucoup pour le gala
À la fin du match, accompagnant son joueur en conférence de presse, le coach Julien Cassaigne semblait peiner à retrouver sa voix et son souffle. On avait cru comprendre que certains membres du staff n'avaient pas pu retenir une petite larme après un match certes terne, et pourtant si palpitant.
Ce n'est pas tous les jours qu'on s'offre une potentielle dernière danse contre le numéro 1 mondial dans le berceau du plus beau tournoi français, Jannik Sinner en l'occurrence. Ici, Gasquet n'a battu qu'un top 10 (Nishikori, 6e, 2016) et deux tops 20 (Anderson, 17e, en 2015, et Kyrgios, 19e, en 2016). En treize occasions, il n'a jamais battu un membre du top 2 en Grand Chelem. Mais peut-on être trivial ? On s'en fout des stats.
Le Français jouera un peu la gagne et beaucoup pour le gala. « Il m'en reste un peu, soufflait Gasquet. Jouer le numéro 1 mondial jeudi, c'est fabuleux. Je ne peux pas rêver mieux. » L'an dernier, déjà opposé à Sinner, le Français avait bien démarré face à l'Italien, puis s'était légèrement affaissé face son cadet de quinze ans qui frappait fort (38 coups gagnants).
Le réalisme des coups de boutoir avait eu raison de la parade des coups à fleurets mouchetés (6-4, 6-2, 6-4). « Mais il avait eu des petites crampes au troisième, se souvenait Gasquet à qui l'on demandait s'il pouvait y avoir l'espoir d'une victoire face au métronome frappeur. Sur un court, tu ne sais jamais ce qui peut se passer. »