Une terre parfaite, arrosée au petit matin, un grand soleil : tous les éléments étaient réunis pour que les jeunes pousses du tennis français éclosent à Roland-Garros. Mardi, cinq tricolores de moins de 17 ans disputaient le premier tour des qualifications du Grand Chelem parisien. Mais parmi ces graines semées un peu partout sur les courts annexes, une seule a percé et trouvé la lumière du deuxième tour : Daphnée Mpetshi Perricard. Les quatre autres (Kouamé, Efremova, Langlais, Inisan) devront attendre encore un peu.
La surprise Mpetshi Perricard
Quand on est un jeune espoir français aujourd'hui, « on ne parle pas d'âge », dit-on. Pour Daphnée Mpetshi Perricard (16 ans), 1 221e mondiale et bénéficiaire d'une invitation, on ne parle pas non plus de Gio, son grand frère désormais 32e mondial. Après sa victoire maîtrisée en deux sets face à la Tchèque Gabriela Knutson, 199e mondiale (6-4, 6-3, en 1 h 21), les questions sur le géant de 2,03 m avaient été interdites par un membre de son entourage. Une manière d'affirmer qu'elle est là aussi pour tracer sa propre voie.
« C'est la même famille, mais ce sont deux personnalités différentes, expliquait Thomas Voiturier, son coach, à la sortie du court 7. Je n'aime pas les associer, j'aime plutôt prendre Giovanni comme exemple pour son état d'esprit. » Un revers à deux mains, un jeu de fond de court compact : la petite soeur n'a clairement pas le même registre. Seule leur sérénité sur le terrain permettrait, peut-être, de les rapprocher.
Pour sa troisième apparition en qualifs de Roland-Garros, Daphnée Mpetshi Perricard n'a jamais semblé dépassée, malgré le stress qu'elle confiait avoir ressenti. Même lorsqu'elle a cédé son service à trois reprises dans la seconde manche, la Française est revenue. À chaque break, elle a immédiatement répliqué, avant de solidement conserver le sien à deux reprises pour conclure le set 6-3.
« Je suis très contente, j'avais du mal à réaliser au début. Je comprends tout juste ce qu'il vient de se passer. Je profite du moment, souriait-elle. J'ai gardé mon plan de jeu du début à la fin. Mes deux participations précédentes à Roland m'ont beaucoup aidée pour gagner aujourd'hui (mardi). » Elle retrouvera au prochain tour l'Australienne Daria Saville, ancienne 20e mondiale.
Efremova attendra
Après le beau succès de sa compatriote, le court numéro 7 s'était rempli avec la même promesse : voir éclore une autre pépite du tennis français. Ksenia Efremova, 16 ans et 624e mondiale, faisait ses grands débuts en qualifications d'un tournoi du Grand Chelem. Une première difficile chez les adultes pour la jeune Tricolore d'origine russe, battue en deux sets (6-1, 7-5) par l'expérimentée Allemande Anna-Lena Friedsam, ex-45e mondiale.
« Le premier set, j'étais stressée, je n'arrivais pas à mettre la même intensité qu'à l'entraînement. Mais ça reste une bonne première en Grand Chelem pour la suite », confiait Efremova, encore déçue par sa défaite. Mais dès qu'on a abordé le sujet de l'ambiance, ses yeux bleus se sont immédiatement illuminés. « Beaucoup de gens criaient mon nom. C'était wow... »
L'attente autour de Kouamé
Le court numéro 13 affichait lui aussi complet pour le match de Moïse Kouamé. Devant l'impossibilité de trouver une place assise, les spectateurs se hissaient sur la pointe des pieds, grimpaient sur les murets, certains tentaient même de se faufiler à travers les buissons pour apercevoir le prodige. À 16 ans à peine, le plus jeune joueur du top 1 000 (835e mondial), cristallise une attente rare.
Il faut dire que le niveau de jeu du gamin était impressionnant dans le premier set. Constant dans l'échange, précis dans ses choix, avec notamment cette magnifique amortie à 5-2 pour haranguer la foule. Mais, moins lucide au fil de la rencontre, il a fini par s'incliner en trois sets face à l'Espagnol Pol Martin Tiffon (2-6, 6-4, 6-3), 208e mondial.
« Je suis vraiment content d'avoir proposé ce niveau et d'avoir réussi à gérer mes émotions, ce qui n'était pas facile, relativisait Kouamé après son match. Je savais qu'il y avait de l'attente, mais vraiment pas à ce point ! » Droitier doté d'un très bon lift, solide derrière sa ligne, Kouamé n'a peut-être pas encore le coffre pour rivaliser avec des joueurs du top 200, mais il possède déjà ce qu'on ne peut pas apprendre : une manière unique d'habiter le court.
Langlais et Inisan, premières leçons
Pour leur première apparition à Roland-Garros, Eleejah Inisan (16 ans) et Cindy Langlais (15 ans), benjamine des qualifications, ont vécu une immersion intense, même si leur parcours s'est arrêté dès le premier tour. Sur le court numéro 6, face à la Polonaise Maja Chwalinska, Langlais a tout donné, savourant chaque point. Et ce malgré des crampes sévères survenues dans le troisième set, qui l'ont conduite à céder (6-4, 4-6, 6-0). « J'ai rarement pris autant de plaisir ! C'était une première pour moi, mon objectif était de me donner à 200 % et de profiter un maximum. Le contrat est rempli. »
De son côté, Inisan, malgré sa défaite contre l'Argentine Maria Lourdes Carle (6-1, 6-2), préférait déjà regarder vers l'avenir. « Ce match me donne envie de progresser, de revenir l'année prochaine et de faire mieux, de passer le plus de temps possible ici. » Une chose est sûre, toutes les deux ont planté une première graine pour la suite. À elles, désormais, de l'arroser.