Avec trente-cinq années d'expérience au haut niveau, Didier Deschamps a dû gérer des centaines de ces sujets brûlants, poisseux, où toute réponse est interprétée et sujette à débat. Voire polémique. Le 69e Ballon d'Or, qui sera remis le 22 septembre à Paris, en fait partie.
Il flottait, depuis le début du rassemblement de l'équipe de France, une drôle d'impression autour des candidats bleus - Ousmane Dembélé, Kylian Mbappé - à cette distinction individuelle suprême. Comme si, de l'annonce de la liste jusqu'à mercredi, en conférence de presse, les joueurs (Cherki, Lenglet, Koné par exemple) ou le sélectionneur repoussaient tout engagement clair sur cette thématique. Dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport, le sélectionneur expliquait ainsi en début de semaine : « Dembélé ? Pour moi, aujourd'hui, il serait difficile d'établir un trio de candidats. Il y a aussi Mbappé, meilleur buteur de la Liga et Soulier d'Or alors qu'il vient de changer d'équipe. Ou Lamine Yamal, qui, je pense, s'en est plutôt bien sorti... Et pourquoi pas Robert Lewandowski ou Raphinha ? »
Un positionnement très prudent justifié alors dans son camp par un vote tardif (courant août), par l'organisation de deux compétitions (Ligue des nations, Coupe du monde des clubs) à même de changer les votes et par un souhait de ne pas alimenter des « débats » jugés stériles. Et une volonté de ne pas froisser l'ego du capitaine, Kylian Mbappé ?
«Celui qui mérite le Ballon d'Or, c'est Ousmane Dembélé »
Ibrahima Konaté, vice-capitaine de l'équipe de France
Mercredi, à Stuttgart, la position de la délégation française a basculé. Ibrahima Konaté, voix influente du vestiaire des Bleus, s'est livré à un exercice de porte-parolat (comme toujours) efficace : « Vous me parlez de Lamine, de Kylian, mais Ousmane fait une saison exceptionnelle ; celui qui mérite le Ballon d'Or, c'est Ousmane Dembélé. » Relancé sur la concurrence avec Yamal et sa petite phrase arrachée lundi - « Si les gens veulent tout risquer sur un match, et bien... jouons-le jeudi alors » -, le vice-capitaine des Bleus a insisté : « Ça, ce sont les Espagnols qui ont posé la question à Yamal (rires). C'est très, très fort ce qu'ils ont fait. Vous devriez en faire autant en France. Comment peut-on tout miser sur le match de jeudi ? Ce n'est pas sérieux. Il est fort aussi, le petit, en communication, mais ça ne va pas se jouer là-dessus. C'est Ousmane qui mérite le Ballon d'Or »
Le sélectionneur lui a emboîté le pas : « Évidemment, je suis à 100 % derrière Ous' pour le Ballon d'Or, avec la saison qu'il réalise. Il le mérite. » Mais le madré Deschamps s'est laissé une porte de sortie dans son intervention médiatique, histoire (sans le nommer) de ne pas écarter Mbappé de l'équation : « Si vous me demandez entre Lamine Yamal et Ous', c'est Ous' à 100 %. » Le tout ponctué d'un malin : « La Ligue des nations peut amener des éléments de réponse, la Coupe du monde des clubs aussi. »
Une stratégie de communication différente de 2018
Un tournoi américain que les deux Français - et non Yamal - joueront. Dans ce débat, le sélectionneur, qui avait poussé la candidature de Mbappé en 2023, sait à quel point il est attendu. En 2018, au bout d'une saison (29 buts, 15 passes décisives) et d'une Coupe du monde étincelantes d'Antoine Griezmann - vainqueur parallèlement de la Ligue Europa -, Deschamps avait choisi de ne pas choisir entre l'attaquant de l'Atlético de Madrid, Mbappé, Raphaël Varane voire Paul Pogba. Et à la fin le Croate Luka Modric avait raflé les suffrages... Mercredi après-midi, Deschamps a voté. À Dembélé, jeudi soir, dimanche ou aux États-Unis, de valider.