Il est des décisions qui changent une carrière. Ces derniers jours, Laurent Bonadei n'a pas beaucoup dormi après avoir choisi de se passer de Wendie Renard (34 ans, 168 sélections), Eugénie Le Sommer (36 ans, 200 capes) et Kenza Dali (33 ans, 76 sélections) - 444 sélections à elles trois - en vue de l'Euro, qui se déroulera du 2 au 27 juillet en Suisse. « Je sais l'impact que ça a, nous a-t-il assuré jeudi, en aparté, une heure et demie avant l'annonce de sa liste. Ce sont trois joueuses très importantes du football français, pour qui j'ai beaucoup de respect. Il n'y a pas un jour où je n'y ai pas pensé depuis le rassemblement d'avril. »
Parfois considéré comme n'étant pas assez disruptif, le sélectionneur de l'équipe de France a donc surpris tout le monde. « C'est un choix qui a demandé beaucoup de réflexion », a-t-il complété jeudi, lors de sa conférence de presse à la FFF après avoir dévoilé les noms des 24 joueuses retenues pour affronter la Suisse (le 30 mai) puis l'Islande (le 3 juin) en Ligue des nations. Bonadei a rejeté l'idée d'« un coup de folie ». « Albert Einstein a dit que la folie, c'était de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent, a-t-il poursuivi. Or, je souhaite des résultats différents : je fais donc des choix différents. Ce n'est pas une décision contre ces joueuses, c'est une décision pour l'équipe de France. »
« Je comprendrais qu'elles aient de la colère envers moi, qu'elles soient tristes »
Laurent Bonadei
Conscient qu'il fallait maîtriser sa communication au maximum, il a prévenu les concernées en amont, avec un timing réfléchi. « Ce sont des joueuses mais aussi des personnes, il faut faire les choses bien, être élégant, a-t-il détaillé dans une première très longue réponse devant les médias. Je ne voulais pas perturber leur saison en club. Si les Lyonnaises avaient été en finale de Ligue des champions, je l'aurais fait début mai. Mais comme elles ont été éliminées, j'ai attendu après la finale de Première Ligue (3-0 contre le PSG, le 16 mai) et puis j'ai laissé passer l'anniversaire d'Eugénie, dimanche. »
Mardi soir, Bonadei a contacté Le Sommer et Dali, puis il a passé un coup de fil à Renard mercredi matin. Il n'a pas révélé le contenu des discussions, mais il a senti que l'annonce, « presque impossible à accepter pour elles », les avait secouées, voire choquées. « Je comprendrais qu'elles aient de la colère envers moi, qu'elles soient tristes », nous a-t-il avoué. Proche de Dali, qu'il a aidée à traverser le drame familial qu'elle a connu juste avant les Jeux, Bonadei a ainsi dû « laisser les sentiments de côté ».
Préparer les jeunes pour la Coupe du monde 2027
Le président de la FFF, Philippe Diallo, et le délégué du comité exécutif auprès de l'équipe de France féminine, Jean-Michel Aulas, ont également été tenus au courant de cette nouvelle orientation que veut prendre Bonadei, sous contrat jusqu'au 31 août 2027. « C'est tout à fait normal, estime le patron des Bleues. Je les remercie pour leur confiance. Ils me laissent libre dans mes choix. »
En écartant ces anciennes, le sélectionneur a souhaité faire plus de place aux jeunes joueuses en vue de la Coupe du monde 2027, estimant qu'elles devaient arriver au Brésil avec l'expérience des grands rendez-vous et donc en ayant du temps de jeu durant l'Euro. Le pari peut paraître risqué, mais Bonadei s'en défend. « Je ne suis pas là pour prendre des risques inconsidérés, nous a-t-il affirmé. J'ai constaté que l'équipe avait réussi à gagner quatre matches avec un temps très limité de ces joueuses-là. Je suis assez optimiste pour l'avenir. »
Il va néanmoins devoir répondre aux interrogations de son groupe certainement surpris par ses décisions : « Il y a des amitiés très fortes, cela peut créer des dommages collatéraux, a-t-il reconnu. Alors, il faudra aussi les rassurer sur mes choix. » Ces derniers vont très vite être mis à l'épreuve du terrain. Mais les joueuses ont déjà été rassurées sur leur capacité à performer sans ces trois taulières. « Cette équipe est tout à fait capable de faire aussi bien sans elles », promet Bonadei.
