Devant un match de foot, les yeux, le coeur et les chiffres se contredisent parfois. Et puis, il y a aussi ce que chuchote la nostalgie. Mais ses murmures ne suffisent pas toujours, même après le but comme un leurre de Cristiano Ronaldo, mercredi soir lors de la victoire face à l'Allemagne (2-1) en demi-finales de Ligue des nations. Parce que le Portugais n'est plus le joueur total qu'il était dans les années 2010, et encore moins l'ailier virevoltant de sa prime jeunesse.
Certes, ce but vaut cher : une qualification pour la finale de la Ligue des nations, dimanche à 21 heures contre l'Espagne, vainqueure de justesse (5-4) de la France jeudi soir. Alerte, Cristiano Ronaldo lançait son appel avec un sens du timing intact, avant de convertir l'offrande de Nuno Mendes dans le dos de la défense allemande (68e). Mais est-ce suffisant pour masquer l'apathie de son jeu ?
Avec 13 passes réussies sur 15 et aucun dribble tenté en 89 minutes, le bilan statistique du quintuple Ballon d'Or est fluet. Cela confirme une impression visuelle : il pèse peu sur le jeu, voire freine son équipe. Alors forcément, quand il ne marque pas, il n'y a plus grand-chose à garder. À 40 ans, son mutisme pendant l'Euro 2024 et une Coupe du monde 2022 passée en partie sur le banc ne plaident pas non plus en sa faveur.
Son repositionnement en cause ?
Et la tendance se confirme année après année : en 2019, il touchait 57,4 ballons par 90 minutes jouées avec la Seleçao. En 2022, le chiffre s'écroule à 40 et même à 30,4 depuis début 2025. Évidemment, le Portugais est aussi beaucoup moins impliqué dans les circuits de son équipe et s'il réalisait 39,1 passes par rencontre en 2017, c'est moins de la moitié aujourd'hui (19,1).

Cette inconsistance résulte aussi d'un changement positionnel. Peu à peu, Cristiano Ronaldo s'est réaxé et rapproché du but, au point d'être catalogué comme un joueur de surface. Et c'est vrai, depuis 2023, il touche 9 % de ses ballons à l'intérieur de celle-ci. Bien plus qu'entre 2016 et 2022, où cela se chiffrait à 5 %. Dans l'ensemble, il est trouvé un cran plus haut par ses partenaires et moins souvent sur le côté gauche.

Le fantôme de ses 3,7 dribbles tentés par rencontre en 2017 (1,9 réussi), contre 1,6 en 2024 (0,8 réussi), entérine le bilan d'un joueur définitivement moins actif. La chute n'est pas aussi draconienne en ce qui concerne les tirs, 5 par match en 2025 (encore 7 hier contre les Allemands), presque autant qu'en 2020 (5,4) mais moins qu'en 2019 (7,9).
Et c'est en ce sens que le Portugais est éternel : il marque encore et même beaucoup. Avec 2 buts en 3 matches en 2025, 7 l'année d'avant (12 matches) et 10 en 2023 (9 matches), l'attaquant le plus prolifique de l'histoire de la Seleçao (137 buts) demeure efficace.
Mais, de plus en plus, il score dans la surface, car il y siège davantage, comme contre l'Allemagne (9 ballons touchés à l'intérieur), et sert de maillon final à la chaîne. Autrement dit, il est plus dépendant qu'avant de ses partenaires.
Quelle valeur donner alors à un geste aussi simple que pousser le ballon dans les filets ? Le but résulte-t-il du travail collectif ou du placement et du flair de l'attaquant ? Sans doute un peu des deux. C'est aussi par ce prisme qu'il faut juger Cristiano Ronaldo au crépuscule de sa carrière : arbitrer entre les buts et un certain néant.