Son coach Elric Delord à l'Élan Chalon résume l'ascension du bonhomme par une jolie formule : « Lionel est l'étendard de ceux qui ont été oubliés. » « Ceux », désigne les joueurs aux parcours besogneux ou chaotiques, non tracés. Lionel Gaudoux (1,98m, 30 ans vendredi 30 mai) a découvert l'élite la saison dernière, à 28 ans, au bout d'une ascension de onze ans, à la force du poignet, après avoir tenté vainement de percer devant une ligne de but.
Élevé dans la banlieue nord de Paris, il se rêvait gardien, comme son modèle, l'ex-capitaine des Bleus champions du monde 2018, Hugo Lloris. « Gamin, j'étais plus grand que les autres, je suis dynamique, je sautais partout, je regardais beaucoup les vidéos de Lloris à Nice, à Lyon et puis sa personnalité se rapprochait de la mienne, discrète à l'extérieur, et explosive sur un terrain », déroule le capitaine et intérieur de l'Élan Chalon, qui défie cette semaine l'Asvel en quarts de finale des play-offs de Betclic Elite (victoire de l'Asvel 100-96 mardi, retour jeudi à Chalon).
De la départementale à l'élite
Son rêve de percer dans le foot s'est brisé à 17 ans. « J'avais les capacités à jouer au niveau national. J'ai fait pas mal de détections pros, et tout s'est arrêté après un test à l'ESTAC (Troyes). On ne m'a pas pris car je n'avais pas joué suffisamment haut jusque-là... Ça m'a dégoûté. Alors, je me suis lancé dans le basket. Oui, sur le tard et oui, en partant de zéro », sourit-il. « Même si j'ai galéré à apprendre le double pas, j'avais les qualités pour avancer et puis l'environnement m'a tout de suite séduit. »
Commence alors une cordée peu commune. À l'âge où de nos jours on propose aux jeunes talents formés en France des ponts d'or en NCAA ou à l'étranger, où beaucoup préparent la draft NBA, le gamin de Goussainville (Val-d'Oise), près de Roissy, gravit les marches avec la foi du missionnaire.
« J'ai attendu dix ans pour toucher mon salaire, les jeunes d'aujourd'hui le gagnent dès 18 ans. Mais ont-ils de la patience ? Je suis parti de la départementale, j'ai fait deux centres de formation pros (Vichy, Boulazac), je suis passé par la Nationale 3, la Nationale 2 (Le Puy, Montbrison), la Nationale 1 (Pont-de-Chéruy), la Pro B (Saint-Quentin, Chalon), je suis même redescendu de deux niveaux (de la Pro B à la N2). Mon objectif était de ne jamais passer plus de deux saisons dans la même division », appuie-t-il.
Pari perdu. Lionel Gaudoux vient d'achever une deuxième saison dans l'élite et a prolongé jusqu'en 2028 à Chalon, dont il est l'âme et le soldat au bandeau blanc des raquettes (10 points, 5 rebonds, 4 contres mardi à l'Asvel) qui fait le sale boulot pour deux ou trois.
Chalon invincible à la maison ?
Relégable en novembre dernier, l'Élan a arraché face à son rival régional Dijon sa place en play-offs, une première depuis sept ans pour le club double champion de France (2012, 2017).
Sans un panier de grande classe de Théo Maledon dans la dernière minute, Lionel Gaudoux et les siens auraient pu s'offrir l'équipe d'Euroligue et placer l'Asvel sous pression ce soir dans le volcan du Colisée où Chalon reste sur sept victoires d'affilée, dont deux volées face à Cholet (105-72) et Monaco (90-65).
« Rien n'est impossible, on est un peu invincible chez nous », souriait l'ancien gardien de foot avant le lancement de la série. Manière de dire aussi que sa conquête personnelle n'est pas aboutie : « Je veux encore évoluer, aller chercher l'Europe, même l'Euroligue, l'équipe de France des fenêtres (de qualifications). Je me donne tellement aux entraînements », souffle Gaudoux, celui qui sait attendre.