Stephen Curry et Kyrie Irving sont deux meneurs d'exception, pas de débat. Mais à Cleveland, abonné aux finales contre Golden State, Irving jouait dans la même équipe que LeBron James (2015 à 2018). L'ombre de Kobe Bryant et Paul Pierce condamnaient Derek Fisher et Rajon Rondo au rôle de lieutenant aux Lakers et à Boston (2008, 2010). Tony Parker, MVP de la finale 2007 (face à Cleveland), avait Tim Duncan dans son camp.
Ron Harper a battu deux fois le Jazz de John Stockton en 1997 et 1998 mais, aux Chicago Bulls, le patron s'appelait Michael Jordan. Alors il faut remonter à 1988 et 1989 pour retrouver, comme cette année, deux finalistes NBA avec un leader à la mène. À l'époque, Magic Johnson organisait le jeu « Showtime » des Los Angeles Lakers et Isiah Thomas, celui des Detroit Pistons.
Shai Gilgeous-Alexander, 26 ans, et Tyrese Haliburton, 25, n'ont pas encore l'aura de leurs aînés. Le meneur du Thunder a tout de même ajouté cette saison un titre de MVP et de meilleur scoreur (32,7 points de moyenne en saison régulière) à son CV. Son alter ego des Pacers a brillé en play-offs grâce à sa régularité à la passe (9,8 passes par match, meilleure moyenne) et des coups d'éclat comme ce panier au buzzer improbable contre les New York Knicks (138-135 a.p. lors du match 1 de la finale de Conférence).
Des statuts qu'ils n'étaient pas amenés à assumer
Ni l'un ni l'autre n'étaient pourtant promis au statut de « franchise player » qu'ils ont atteint aujourd'hui. Le Canadien a été drafté en onzième position par Charlotte en 2018, pour être envoyé dans la foulée aux Clippers qui l'ont inclus dans l'échange avec Paul George après sa saison rookie. « Il y a eu des soirs où je me suis dit que je n'étais pas bon au basket », a raconté le Torontois, plus flamboyant dans ses tenues (il est décrit comme le joueur le plus élégant de la ligue) que ses déclarations : « Tous ces moments où j'ai été coupé, échangé, méprisé, oublié m'ont aidé à devenir qui je suis. »
Les Sacramento Kings ont drafté Haliburton à sa sortie d'Iowa State en 2020 (12e position) et l'ont sacrifié pour attirer l'intérieur Domantas Sabonis un an et demi plus tard. À Indiana, Rick Carlisle lui a confié les clés du camion, à seulement 21 ans. « Cette franchise m'a donné une chance, salue ce grand fan de catch. Parfois, je me dis qu'ils ont vu en moi plus que ce que je voyais moi-même. »
Le Thunder a connu trois exercices compliqués entre 2020 et 2023, avec une notamment une défaite de 73 points, la pire de l'histoire de la NBA, contre Memphis en 2021 (152-79). Indiana a été privé de play-offs en 2022 et 2023. Mais la patience - plus facile sur un petit marché - a payé. OKC a terminé la saison précédente et l'actuelle en tête à l'Ouest. Indiana a enchaîné deux finales de Conférence.
« Etre le meneur, c'est comme être la maman. Votre boulot est de vous occuper de tout le monde »
Tyrese Haliburton, meneur des Indiana Pacers
Les deux meneurs y sont pour beaucoup, chacun à sa façon mais avec un jeu propre en commun. Internet dénonce « SGA » le « marchand de lancers francs » (seul Giannis Antetokounmpo en a obtenu plus cette saison) en oubliant son efficacité. Il multiplie les pénétrations (20 par match), fait mal à mi-distance (54 % entre 3 et 4 mètres) et pique de loin (37,5 %). Si fluide qu'il inscrit 30 points (11 matches sur 16 en play-offs) presque discrètement.
Haliburton n'a pas la même appétence pour le panier (18,6 points cette saison). « Être le meneur, c'est comme être la maman. Votre boulot est de vous occuper de tout le monde », explique le champion olympique 2024. Pour un adepte des passes aveugles, il perd très peu de ballons (1,6 par match en saison régulière). Dans le match 4 contre New York, il a même réussi un triple-double à 32 points, 15 passes et 12 rebonds sans le moindre ballon perdu (130-121). Du jamais vu en play-offs. Pourtant, ses confrères l'avaient élu « joueur le plus surcoté » de la Ligue dans un sondage de the Athletic en avril. Deux mois plus tard, il joue une finale NBA. Et eux la regardent à la télé.