Depuis quelques jours, Florian Reynet traversait invariablement la zone entre les tribunes et les vestiaires sous le Philippe-Chatrier en esquivant les micros tendus. L'entraîneur de Loïs Boisson depuis deux ans avait promis de parler quand le Roland-Garros incroyable de la joueuse de 22 ans serait terminé. Jeudi, après la défaite contre Coco Gauff en demi-finales (6-1, 6-2), il s'est de nouveau engouffré dans les escaliers en glissant qu'il reviendrait un peu plus tard. Une grosse trentaine de minutes après, il a tenu parole pour raconter les semaines folles de l'aventure et s'exprimer sur la suite, qu'il attend avec impatience.
Son retour de blessure : « On est allés crescendo »
« Après sa blessure (rupture des ligaments croisés qui l'avait privée de Roland-Garros l'an passé), je savais que ça allait être dur de revenir mais la connaissant, connaissant le travail qu'elle est capable de fournir et sa détermination, je n'avais pas de doute. On a recommencé tout doucement, d'abord assise sur une chaise, puis une fois dans la semaine, deux fois. On est allés crescendo. Ensuite on a repris la compétition (en février sur un ITF à Manchester). À cette époque, l'idée, c'était juste de refaire des matches. On a fait deux tournois sur dur pour sa reprise mais je voulais commencer la terre le plus tôt possible. Mais c'est bien, parce que, dès les premiers matches, il y a eu des 7-6 au dernier set, des points serrés, des jeux à négocier. Forcément c'était dur quand tu n'as pas joué pendant dix mois.
Mais, avec la terre, les matches dans les jambes, elle a retrouvé le niveau qu'elle avait l'année dernière. À la même époque en 2024, elle était à 23 victoires sur 24 matches, 150e mondiale (elle était ressortie du top 500 début mai 2025) et n'avait pas de points à défendre. Elle était sur une courbe exponentielle. Ceux qui ont vu ça savait que, potentiellement, elle pouvait revenir à ce niveau-là. »
Sa quinzaine à Roland : « Ca vaut plus que deux ans d'entraînement »
« C'est incroyable. Ce qu'elle a fait, personne ne l'avait déjà fait. Moi, j'ai vu son niveau de jeu évoluer par rapport à la première semaine où on est venus s'entraîner ici. Elle a tapé avec beaucoup de filles du top 100, elle se sentait de mieux en mieux, son jeu prenait forme. Elle a cette victoire sur une top 30 dès le début (Elise Mertens, 24e mondiale, la plus belle victoire de sa carrière à ce moment-là), ça lui a donné de la confiance et, derrière, elle a super bien enchaîné. Son niveau est monté en flèche. Pour elle, c'est une expérience de dingue. Ça vaut plus que deux ans d'entraînement. Je ne sais pas si je suis surpris mais je connais ses qualités, ce qu'elle est capable de faire.
Je savais qu'à un moment ou un autre, son jeu en place, elle allait vraiment atteindre un niveau très bon. Après on ne pouvait pas anticiper ce qui s'est passé là, et des victoires contre les n° 3 et n° 6 mondiales (Jessica Pegula en huitièmes de finale puis Mirra Andreeva en quarts de finale), c'est sûr que non. (Sur les moments forts hors du court) Quand on arrive le matin, qu'on a un sparring prévu et qu'on vient nous demander si (Jannik) Sinner peut taper avec Loïs... Je lui ai quand même demandé mais je pense que la réponse était déjà faite (sourire). Ça, ça lui a fait vraiment du bien et elle a fait un super entraînement en plus. C'est incroyable de pouvoir vivre ça. Et ensuite il y a eu cette ambiance sur le court, le public et pour moi, sa famille, tout le monde, les émotions sont fortes. »
La suite : « Ca va tout changer »
« Il faut maintenant qu'elle profite, qu'elle tire les enseignements de ce qui s'est passé et la suite sera forcément belle. Elle ne réalise peut-être pas maintenant et on a fait exprès de tout bloquer pour qu'elle reste dans sa bulle. Mais elle est prête, je pense. C'est la vie qu'elle veut. Elle a tout fait pour arriver là. Elle va être aux alentours de la 65e place mondiale donc la programmation sera plus facile et elle jouera les tournois du Grand Chelem.
Ça va tout changer. Elle va jouer des filles top. Ça va lui permettre encore de travailler plein de choses et de s'améliorer. Pour Wimbledon, elle aura peut-être une invitation (nécessaire parce que le cut est passé). Elle n'a jamais joué sur gazon. Elle ne pourra pas glisser, quoique Djoko y arrive (sourire), mais je pense que son jeu s'y prête. Elle a un super slice, elle est agressive en coup droit, même si, forcément, il faudra mettre un peu moins de trajectoire. Elle volleye super bien. Là, elle n'y est peut-être pas allée assez mais elle jouait loin, elle n'avait pas tout le temps les occasions, mais elle gère ça vraiment bien, même les balles dans les pieds. Elle a le potentiel pour vraiment bien jouer sur gazon. On va faire le max pour qu'elle se prépare mais je suis positif. Sur dur extérieur (où elle a aussi très peu joué dans sa carrière), il fait chaud, c'est lent, ça rebondit. Il y a moins de temps que sur terre, mais, quand tu as un coup droit comme ça, aussi agressif, avec de l'effet, je pense que ça va être bien. Son service va s'améliorer. Mais c'est sûr qu'il faudra faire des tournois dessus, beaucoup jouer. »
