Sarah Abd Elbaki a été l'une des premières syriennes à entrer sur un terrain de rugby. Puis l'une des premières à participer à la création d'un club féminin de rugby et à jouer dans l'équipe nationale féminine de rugby à 7.
« Quand j'ai essayé, j'ai tout de suite eu le sentiment que c'était fait pour moi, explique l'ancienne joueuse de tennis quand nous la rencontrons lors d'une visite à ses proches à Beyrouth, au Liban. Lors de la guerre en Syrie (en 2011, une révolution pacifique éclate dans la Syrie des Assad, au pouvoir depuis 1971, et dure jusqu'à la chute du régime, le 8 décembre 2024), le rugby était mon refuge. »
Enfin, elle a été la première femme dans le monde arabe à arbitrer un match de rugby à quinze en 2020, lors du Championnat national de Syrie.
« La société syrienne voyait ce sport comme agressif. Ma famille craignait les blessures. »
Sarah Abd Elbaki
Un sacré parcours débuté en 2017 à Sweida, dans le sud de la Syrie, où elle a commencé à tâter le ballon ovale presque par hasard. Un an plus tard, elle intégrait l'équipe nationale. « La société syrienne voyait ce sport comme agressif. Ma famille craignait les blessures... On disait que c'était un sport de garçons », se remémore la joueuse de 28 ans. Mais la jeune femme a persévéré. Joueuse puis arbitre, donc, elle est promue chargée du développement de la section féminine pour le comité supérieur du rugby syrien en 2019.
« Du côté des femmes, il y a beaucoup plus de passion autour du rugby, elles comprennent mieux les valeurs de ce sport », souligne Mohammad Jarkou, président du comité supérieur du rugby syrien.
Aujourd'hui, Sarah Abd Elbaki occupe le même poste en Arabie saoudite. Elle va à la rencontre des jeunes femmes dans les écoles pour les inciter à découvrir l'Ovalie. Son objectif est aussi d'introduire la pratique dans le curriculum scolaire. « Avant, l'Arabie saoudite n'avait aucun sport dans son programme d'éducation physique. J'essaie de faire en sorte qu'il y ait autant d'équipes que possible », souligne celle qui était demi d'ouverture pour l'équipe nationale syrienne.
Dans son pays natal, Sarah Abd Elbaki a entraîné dans son sillon une génération de joueuses passionnées par le ballon ovale. Les femmes de l'équipe nationale se démènent actuellement pour renforcer l'équipe, attirer plus de joueuses et continuer à développer une véritable culture du rugby en Syrie. C'est notamment le cas de Nicole Zerawi, qui a repris le flambeau de Sarah après son départ pour l'Arabie saoudite.
« Quand je suis perdue ou que je ne sais pas quoi faire, j'appelle Sarah. Lorsque nous avons un tournoi, la première personne que nous appelons, c'est aussi Sarah », confesse Nicole Zerawi lorsque nous la rencontrons un après-midi glacial d'hiver dans les tribunes du stade municipal de Jaramana, dans la banlieue sud de la ville de Damas. Nicole espère que Sarah reviendra bientôt en Syrie pour continuer ce qu'elle a commencé.
Pour Sarah Abd Elbaki, un retour immédiat en Syrie n'est pas au programme, malgré la chute du régime des Assad le 8 décembre dernier, après une dictature de cinquante-quatre ans. Elle expose : « Je retournerai en Syrie à un moment, oui, mais pour l'heure j'essaie d'acquérir autant d'expériences que possible. » Pour semer les graines d'un avenir rugbystique pour les filles du monde arabe.