Après avoir renoué le fil de sa carrière en rejoignant le club iranien du Sepahan FC, Wissam Ben Yedder a retrouvé le chemin des filets, jeudi, lors de la dernière journée du Championnat face à Esteghlal (3-1). Entré en jeu à une vingtaine de minutes du terme, l'ex-international français (19 sélections), a ajusté le gardien adverse d'un plat du pied du gauche, avant de célébrer d'un petit saut rageur et d'être enseveli par ses coéquipiers, quelques remplaçants et membres du staff. Une libération certaine, près d'un an jour pour jour après sa dernière réalisation, avec Monaco.
L'ancien capitaine de l'ASM n'en a pour autant pas fini avec ses démêlés puisqu'il est convoqué ce mercredi, à 13 h 30, devant le tribunal correctionnel de Nice, pour des faits de « violences psychologiques » envers son épouse, avec qui il est en instance de divorce.
Tout est parti d'une plainte déposée le 27 février 2024 à la gendarmerie de Beaulieu-sur-Mer, lieu de résidence du couple Ben Yedder (marié en décembre 2021) quand le joueur évoluait en Principauté et où son ex-compagne est restée vivre, avec leur fils (né en mai 2022), après le début de leur séparation au printemps 2023.
Une période qui marque le début de la descente aux enfers de « WBY », déjà atteint par son absence en sélection à la Coupe du monde 2022 au Qatar : à l'été 2023, il sera mis en examen pour « viol » dans un dossier toujours ouvert (le parquet doit prendre son réquisitoire définitif avant un éventuel procès) et, encore un peu plus d'an plus tard, sans club et noyé dans l'alcoolisme, il sera condamné pour « agression sexuelle en état d'ivresse ». Quand elle se présente en audition début 2024, la plaignante dit ne plus reconnaître son mari.
Elle avait déjà déposé une main courante quelques mois plus tôt, mais elle ne souhaitait pas porter plainte jusque-là, pour le bien de leur fils, dit-elle. Cette fois, c'en est trop. Il aurait promis de faire des efforts après des premiers écarts extraconjugaux. Mais il lui aurait fait « vivre un enfer », à partir du mois de mars 2023, selon ses déclarations lors de cette audition : « Tout est parti en live, j'ai découvert mon mari de façon très variée dans les violences. J'ai alors subi des violences conjugales sous de multiples formes : violences psychologiques sévères, menaces de violences physiques, humiliations, insultes, intimidation, isolement, ignorance, violences économiques... »
Elle détaille de nombreux épisodes d'absences répétées et de disputes, enregistrées à l'insu du joueur (« Tu vas le payer très très cher, je vais aller au fond de mes limites » ; « Mon petit frère, va le voir, il va te cogner, tu vas pleurer »...). Des captations sorties de leur contexte selon la défense.
La plaignante, placée sous protection, parle d'« emprise », de « peur », mais pensait trouver une solution « à l'amiable » et redoutait la « pression médiatique ». Elle assure avoir poussé la porte de la gendarmerie à cause d'une nouvelle « série d'éléments déclencheurs », dont deux nouvelles rencontres tendues fin 2023 et début 2024, en présence de proches du buteur.
Plus tard, à la mi-mai 2024, elle reviendra voir les gendarmes à la suite d'un nouveau rendez-vous houleux, toujours d'après ses dires, en compagnie de son mari et d'un autre homme, là encore enregistrés. « Si vous arrivez à trouver une solution, à vous remettre ensemble, il n'y aura plus tout ça », lui indique ce dernier. Ce que l'intéressée a interprété comme étant du chantage.
Un possible classement de l'affaire avant un revirement de situation
Pour en avoir le coeur net, les enquêteurs ont donc placé Ben Yedder en garde à vue le 31 mai 2024. Il a catégoriquement nié les faits et considéré, en quelque sorte, que ce dossier ouvert pour « violences » et « menaces » n'était motivé que pour étoffer la procédure de divorce déjà en cours à l'époque (et qui se poursuit actuellement).
Une défense convaincante puisque l'agent de police judiciaire et le magistrat présents ce jour-là n'ont d'abord voulu donner aucune suite judiciaire. Le 4 juin 2024, le parquet de Nice nous confirmait d'ailleurs « possiblement un classement ». Reprise en main par le procureur, ladite procédure a finalement abouti à un renvoi devant le tribunal quelques mois plus tard.
« Etant donné qu'il était déjà mis en cause dans des faits similaires, une seconde lecture était nécessaire avant de trancher »
Une source proche du dossier
Comment expliquer un tel revirement ? « Il y a bien eu un premier mouvement allant dans le sens d'un classement, admet une source proche du dossier. Ce n'est pas parce qu'il est footballeur et connu, mais, étant donné qu'il était déjà mis en cause dans des faits similaires, une seconde lecture était nécessaire avant de trancher. »
La prévention retient des « propos injurieux, dévalorisants et menaçants » et un « comportement agressif envers la victime accompagné de gestes brusques et (...) violents, (...) clairement de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un choc émotif ».
L'audience permettra d'éclairer plus en détail ce cheminement tortueux, le positionnement de chacun et les potentielles évolutions de versions, dans un climat forcément crispé. Et a priori en présence du couple Ben Yedder. Contactée, l'avocate de l'épouse, Me Elisabeth Maisondieu Camus, n'a pas souhaité s'exprimer, tandis que les avocates du joueur, Mes Marie Roumiantseva et Hasna Louze, n'ont pas donné suite.