Mercedes Taffarel accepte très rarement d'évoquer la disparition accidentelle de son fils Emiliano, à 28 ans, le soir du 21 janvier 2019, dans le crash d'un avion privé, alors qu'il avait quitté Nantes pour rejoindre son nouveau club de Cardiff. Lestée d'une douleur éternelle, la maman de l'attaquant argentin a pourtant accepté de venir trois jours à Paris, prise en charge par les conseils du club gallois et accompagnée par son amie française Marie-Jeanne Castellanos, afin d'être auditionnée pendant une heure - à huis clos - au Sénat, ce mercredi après-midi, dans le cadre de la proposition de loi sur l'organisation, la gestion et le financement du sport professionnel, portée par Michel Savin (sénateur LR de l'Isère). L'Équipe a également pu la rencontrer.
« Pourquoi avez-vous accepté de venir témoigner au Sénat ?
J'ai été invitée par les autorités françaises pour apporter un message qui puisse aider à introduire un changement dans la gestion du football. J'espère que cela sera utile pour éviter un "nouvel Emiliano". En tant que mère, je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé. On m'a dit beaucoup de choses mais on ne m'a pas donné des raisons claires et nettes (sur toutes les circonstances de ce drame).
Que voulez-vous dénoncer ?
Dénoncer, je ne sais pas, mais je veux manifester mon désarroi. Je suis restée sur les derniers mots que m'a dits Emiliano : "Je te rappelle dans deux heures." J'attends toujours son appel. Cela fait six ans et quatre mois.
Considérez-vous qu'il y a encore des coupables dans cette affaire ?
Bien sûr, il y a d'autres coupables, on ne sait pas exactement comment tout ce voyage a été géré et organisé. Je veux qu'on puisse connaître toute la vérité.
N'êtes-vous pas satisfaite des décisions déjà rendues, comme la condamnation à dix-huit mois de prison de l'opérateur du vol, David Henderson, en novembre 2021, à Cardiff ?
Jusqu'à un certain point, oui, mais il y a des gens toujours libres et qui ne devraient pas l'être, selon moi.
« Cela a brisé notre famille en morceaux. On l'attend toujours »
Comment se sont comportés durant toutes ces années le FC Nantes, Cardiff City, Willie McKay (l'intermédiaire écossais organisateur du vol fatal) et Meïssa N'Diaye, l'agent d'Emiliano à l'époque ?
Willie McKay, je ne le connais pas, il ne s'est jamais présenté à moi. Meïssa N'Diaye s'est très bien comporté avec nous. Il m'a toujours accompagné, il m'envoie toujours des messages, notamment au moment de Noël. Concernant Nantes, son président (Waldemar) Kita est venu me voir, à l'hôtel, alors que je devais rentrer en Argentine après la découverte du corps, qui devait être rapatrié. Il m'a donné un chèque pour le solde de tout compte d'Emiliano et il m'a dit que le contrat entre le FC Nantes et mon fils était terminé. Et il est parti sans même dire au revoir. Concernant Cardiff, je n'ai rien à dire, ils m'ont bien accueillie.
Comment vous sentez-vous, plus de six ans après la disparition d'Emiliano ?
La douleur reste immense. Celle de son frère (Dario), de sa soeur (Romina) et la mienne. Cela a brisé notre famille en morceaux. On l'attend toujours (elle s'interrompt et pleure).
Un litige financier perdure devant la justice civile entre les clubs de Nantes et Cardiff dans cette affaire. Qu'en pensez-vous ?
Je ne veux pas en parler, c'est à leurs avocats de le faire. Ils comprennent beaucoup mieux que moi cette situation. »