Il frappe toujours aussi bien, il ne bouge pas si mal que ça, il gagne des matches, il en perd rarement sur des scores très secs, mais Stan Wawrinka a 40 ans, un âge auquel une foultitude de détails vient perturber le chemin vers le plus haut niveau, celui était le sien au cours de ses plus belles années, quand il avait remporté ses trois titres du Grand Chelem, entre l'Open d'Australie 2014 et l'US Open 2016.
Au milieu, il y avait eu Roland-Garros 2015, sa finale d'anthologie contre Novak Djokovic et son short à carreaux légendaire, comparé à une nappe par Judy Murray, qu'il avait lui-même décrit comme un trois-en-un, « maillot de bain, pyjama et short ». Ce quadrillage bariolé, il le portait très discrètement ce lundi lors de sa défaite au premier tour face à Jacob Fearnley (7-6 [6], 6-3, 6-2), près du col du polo confectionné spécialement par son équipementier pour fêter les dix ans de son triomphe parisien.
Si les damiers sont éternels, la durée de vie de Wawrinka sur le circuit ne le sera pas. « Je suis très content de ma forme actuelle, compte tenu de mon âge, mais on a tous une date limite », disait-il ce lundi, calmement, après s'être assis dans la salle de conférence de presse n°2 de Roland-Garros, devant une petite dizaine de journalistes, tandis que Caroline Garcia commentait ses adieux à Roland dans la salle principale.
« Il ne faut pas que la balance penche trop du mauvais côté »
Stan Wawrinka
« Je suis ici, en face de vous, et je suis bien sûr proche de la fin. Je n'arrête pas maintenant, mais chaque semaine ça se rapproche », a-t-il d'abord dit en anglais, dans la foulée d'une défaite somme toute logique face au Britannique Jacob Fearnley (7-6 [6], 6-3, 6-2), devenu un solide top 50 cette saison. Le Suisse a ensuite poursuivi en français : « Aujourd'hui il y a beaucoup de frustration et de déception ; physiquement et tennistiquement, je me prépare bien, je pense encore être à un très bon niveau, mais il y a un manque de confiance et des hésitations en match. Je me pose beaucoup de trop de questions par rapport à ce que je devrais faire, à savoir simplement jouer au tennis. »
Marqué par le résultat qu'il venait d'obtenir, l'ex n°3 mondial a précisé sa position par rapport aux suites qui l'attendent : « Il ne faut pas que la balance penche trop du mauvais côté. D'un côté, il y a tous les efforts, les sacrifices, la discipline que ça demande à quarante ans d'être à niveau correct ; de l'autre, il faut qu'il y ait un retour, en termes de victoires, ou de matches qui permettent de se dire que ça en vaut la peine, et en ce moment ça devient de plus en plus difficile. »
« De toute façon je ne vais pas arrêter sur un coup de tête »
S'imagine-t-il annoncer la fin de sa carrière six mois avant, comme Richard Gasquet, quelques jours, ou juste après son dernier match ? « Une retraite, c'est très personnel, c'est un ressenti. Je n'ai aucune garantie que je revienne l'année prochaine ici. S'il n'y a pas des résultats qui me refont un peu monter, je ne reviendrai pas en demandant une wild card, ce qui donne déjà quelques réponses. Je suis encore convaincu que je suis capable de faire des choses mais je n'ai pas encore trouvé la clef cette saison. Les déceptions font de plus en plus mal, et tous les jours je me pose la question : ''Est-ce que c'est la dernière fois que je m'entraîne ? Est-ce que c'est la dernière fois que suis ici à Roland-Garros ?'' Il y a de fortes chances mais on ne sait pas.
Ça fait partie de toutes ces pensées que je n'arrive pas à évacuer en match, parfois. C'est prévu que je continue ; là, tout de suite, il y a la défaite, ça fait toujours un peu mal, demain matin ça ira un peu mieux. De toute façon je ne vais pas arrêter sur un coup de tête, ça c'est sûr. » Et il est parti doucement, en souhaitant une bonne fin de tournoi à l'assistance.