Honnêtement, je ne me souviens pas d'avoir assisté à un match plus intéressant que celui-ci. Plus intriguant aussi, avec des hauts et des bas, ou plutôt des allers-retours, parce qu'il n'y a pas eu tant de bas que cela. D'abord, j'ai aimé l'esprit de cette finale. Cet esprit qui règne sur leurs matches est essentiel pour notre sport. Tous ceux qui ont eu la chance de voir ça vont dire à leurs enfants : « Allons jouer au tennis ! Vous avez vu comme ils s'amusent ? »
Exemple : à 6-5 dans le cinquième set, sur le premier point, Alcaraz frappe une volée gagnante, je suis au bord du court et Sinner me regarde droit dans les yeux et sourit. Un sourire qui dit : « Je n'arrive pas à croire ce qui se passe... » Quand j'ai vu ça, je me suis dit que ces gars ne sont pas seulement ultra-compétitifs, ce sont aussi de grands gentlemen. La façon dont ils ont aidé l'arbitre en effaçant les traces pour donner le point sans discuter, c'est exceptionnel à ce niveau.
« Ces deux joueurs vont propulser le jeu à un niveau inimaginable et si leurs rivaux ne sont pas prêts à les suivre, ils seront irrémédiablement largués »
J'avais des attentes très élevées avant cette finale. À cause du premier match en Grand Chelem qu'on avait vu entre eux à l'US Open (2022, victoire d'Alcaraz) et des suivants qui ont aussi été incroyables. Et puis il y a eu la finale de Rome qui n'était pas formidable (victoire d'Alcaraz). Je me suis dit que peut-être ils ne pourraient pas jouer comme ça sur terre battue. Faux. Ils en sont capables sur une surface qui n'est pas parfaite à 100 %, au niveau des rebonds, où il est si difficile de jouer avec autant d'agressivité, de prendre la balle aussi tôt. Une telle qualité de frappe sur dur, je comprends. Ici, non, c'est ridicule !
Maintenant pourquoi Alcaraz a gagné ? Parce qu'il adore ça. Il adore la compétition, être sur le terrain, se battre, vivre ces moments-là. Bien sûr, il aime gagner. Mais je pense que, au final, ce n'est pas ce qui l'intéresse le plus. L'essentiel pour lui, c'est de faire un grand match. C'est le genre de gars qui préfère ça et perdre plutôt qu'un match mauvais et gagner. C'est sa personnalité. Il veut juste participer à quelque chose d'épique en termes de niveau de jeu.

Mon dernier record (*) a donc été battu et j'en suis très content ! Car c'est incroyable de battre un record de durée dans un match d'un niveau pareil. Grâce à eux, on va désormais voir du tennis comme on n'en a jamais vu auparavant. Et ceux qui sont derrière, qu'ils enfourchent leur vélo et se mettent à pédaler pour les rattraper ! Car ces deux joueurs vont propulser le jeu à un niveau inimaginable et, si leurs rivaux ne sont pas prêts à les suivre, ils seront irrémédiablement largués.
(*) Jusqu'à dimanche, Mats Wilander avait remporté en 1982 face à Guillermo Vilas la plus longue finale à Roland-Garros en 4 h 42'.