C'est l'histoire d'une génération abîmée. Dans une enquête publiée ce vendredi dans Le Monde, d'anciennes (ou non) jeunes skieuses de l'équipe de France de ski alpin ont pris la parole pour dénoncer le harcèlement moral qu'elles ont subi de la part de leurs entraîneurs, à la connaissance de la Fédération française de ski.
Estelle Alphand - la fille de Luc Alphand - qui a fait partie de cette génération, née entre 1992 et 1995, raconte une période « horrible », faite d'insultes à répétition, de non-sélections incompréhensibles dans un environnement délétère et irrespectueux. « J'arrivais à chaque entraînement avec la boule au ventre, renchérit sa collègue Marie Massios, qui ne concourt plus à haut niveau aujourd'hui. À la fin, en compétition, je ne savais plus skier. J'ai cru que c'était moi qui devenais folle. »
« Ils ont foutu en l'air une génération exceptionnelle »
Un ancien champion de ski alpin
Une ancienne cadre de la fédération déplore un sexisme généralisé dans le monde du ski alpin dont découle cette conduite : « On est nombreux à avoir entendu aux abords des pistes des propos dégradants et insultants à l'encontre des jeunes femmes. »
Le quotidien rapporte aussi les propos d'un ex-champion, dont la fille a aussi fait les frais de cette « quasi-maltraitance » en dépit du potentiel de toute cette jeune pousse : « Ils ont foutu en l'air une génération exceptionnelle. » Ces agissements ont été signalés - sans suite - auprès de la direction de la FFS. Un ancien médecin de l'instance « juge très grave le fait que la voix des athlètes ait été étouffée et qu'aucune action concrète n'ait été prise par la hiérarchie médicale. »
À l'hiver 2018, nous sortions un article sur cette « génération 95 » gâchée, qui montrait déjà les tensions entre les skieuses avec leur encadrement. « J'ai perdu l'engagement et l'insouciance que j'avais plus jeune, quand je gagnais facilement », confiait Clara Direz, victorieuse en Coupe du monde début 2020. À l'époque, Estelle Alphand venait de quitter le clan tricolore pour la délégation suédoise. Dans nos colonnes, elle confiait s'être tout de suite sentie « plus tranquille, plus calme ».