Louis Bielle-Biarrey (21 ans, 19 sélections) ne cesse d'impressionner chaque semaine aussi bien sous le maillot de l'Union Bordeaux-Bègles que celui du quinze de France avec qui il a remporté le dernier Tournoi des Six Nations en égalant au passage le record d'essais inscrits sur une seule édition (8).
Sa fraîcheur et surtout son talent ont fait de lui le nouveau chouchou du public. Même la presse spécialisée britannique l'adore. Jeudi, elle lui a ainsi décerné le prix de la personnalité de l'année, juste avant la finale de Coupe des champions contre Northampton samedi à Cardiff (15 h 45). Son quotidien n'a pourtant pas vraiment changé ces derniers mois.
La nouvelle star
Ses adversaires essaient tant bien que mal de l'attraper sur le terrain. Les médias se l'arrachent avec la même difficulté. En l'espace de quelques mois seulement, Bielle-Biarrey a changé de dimension. « Depuis la tournée de novembre puis le Tournoi, durant lequel il a été élu meilleur joueur de la compétition, sa notoriété a encore franchi un cap de manière exponentielle et incroyable », constate l'agent sportif Jérôme Chabran avec qui l'ailier (ou arrière) collabore depuis ses débuts.
Ses performances XXL en club et avec les Bleus depuis la Coupe du monde 2023 l'avaient d'abord fait connaître dans le microcosme de son sport. Désormais, le phénomène va bien au-delà. D'autant plus, sans doute, avec la blessure cet hiver d'Antoine Dupont, le capitaine du quinze de France, écarté des terrains pour de nombreux mois.
Comme son nombre de followers sur les réseaux sociaux (223 000 sur Instagram aujourd'hui contre environ 160 000 en février), les sollicitations se sont récemment multipliées. Et plus seulement dans la presse sportive. « Il comprend que ça fait partie du métier », avoue son père.
« Cela se fait un peu malgré lui, ajoute Chabran. Ce n'est sans doute pas quelque chose qu'il recherche. Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, il n'avait pas forcément perçu les enjeux que ça pouvait représenter. On a décidé de le préserver pendant deux mois pour qu'il puisse être focus sur la dernière ligne droite en Coupe d'Europe et en Championnat. »
« C'est vraiment le gendre idéal. C'est le joueur que tu rêves d'avoir dans ton club. Il est câblé, sympa et ne se prend pas pour un autre. Ce n'est que du bonheur »
Laurent Marti, président de l'UBB
Début mai, Bielle-Biarrey a ainsi poliment décliné les nouvelles invitations de Quotidien (sur TMC) et C à vous (France 5), deux émissions télé grand public, lors de sa courte virée dans la capitale après la demi-finale de Coupe des champions remportée contre Toulouse (35-18). Selon nos informations, le Bordelais a en revanche accepté de se confier à Paris Match pour un sujet publié dans quelques semaines.
Côté partenaires, l'intérêt est également grandissant. Les discussions se poursuivent avec plusieurs équipementiers pour un contrat global. À bientôt 22 ans (il les fêtera le 19 juin), le plus célèbre casque rouge du Top 14 est un athlète courtisé. « Mais il n'a pas changé, insiste son président Laurent Marti. C'est vraiment le gendre idéal. C'est le joueur que tu rêves d'avoir dans ton club. Il est câblé, sympa et ne se prend pas pour un autre. Ce n'est que du bonheur. Et franchement, si tu le croises dans la rue, tu ne te dis pas que Louis est peut-être le meilleur ailier de la planète... »
Le bon élève
L'établissement est situé à une quinzaine de minutes des terrains d'entraînement de l'UBB. C'est à Talence (Gironde) que Bielle-Biarrey est scolarisé à la Kedge Business School depuis quelques mois. Entré directement en deuxième année de Bachelor après être passé par l'IUT de gestion des entreprises et des administrations (GEA), l'international français y poursuit ses études à un rythme plus adapté à sa vie de rugbyman professionnel.
« On a mis en place une structure à la fois intransigeante et souple pour qu'elle s'adapte aux matches et aux contraintes de Louis, raconte Arnaud Lacan, son professeur de management et directeur pédagogique personnel, lui-même ancien joueur à Provence Rugby dans les années 1990. On lui fabrique du sur-mesure qui peut être décalé. » Comme pour son cycle de trois demi-journées de comptabilité décalé à la rentrée pour cause de finale de Coupe des champions.
« Lors de son entretien de recrutement, j'ai tout de suite dit à Louis qu'on ne lui donnerait pas un diplôme au rabais et qu'il devrait tout se gagner lui-même. Il m'a répondu qu'il ne savait de toute façon pas vivre autrement... »
Arnaud Lacan, professeur à la Kedge Business School
Les cours particuliers se font sur place, au club ou en distanciel lors de ses jours de repos. Avec un accompagnement régulier et surtout toujours la même exigence. « Même si c'est décliné différemment, il a exactement les mêmes enseignements et les mêmes évaluations que les autres élèves, souligne Lacan. Il y a un principe de base, c'est qu'on ne lui fera pas de cadeau. Lors de son entretien de recrutement, j'ai tout de suite dit à Louis qu'on ne lui donnerait pas un diplôme au rabais et qu'il devrait tout se gagner lui-même. Il m'a répondu qu'il ne savait de toute façon pas vivre autrement... »
L'économie, les ressources humaines ou encore la finance, ça lui plaît. Le natif de la Tronche (Isère) est du genre curieux. « Les études me permettent de m'intéresser à autre chose qu'au rugby et de préparer mon futur », dit-il. Son environnement familial n'y est pas étranger. Joël, son père, est ingénieur et Sandrine, sa mère, a également fait des études de commerce. Elle est d'ailleurs aussi passée par Kedge.

L'élève « LBB » est doué et apprécié au Campus. « Pour moi, ses trois caractéristiques majeures, c'est qu'il est modeste, travailleur et gentil, selon Lacan. À aucun moment, il n'a mis en avant son statut. » Bientôt, il devra choisir une spécialisation pour sa troisième et ultime année de Bachelor. Avant de voir plus loin ? Réponse de son directeur pédagogique : « Je pense que Louis sera diplômé, et même plutôt brillamment d'ailleurs. C'est un gamin qui peut très facilement aller chercher un bac plus cinq d'une grande école de commerce. Il n'a pas vraiment de limites. Il comprend tout et vite. Il est toujours au bon endroit, avec la bonne posture, comme sur le terrain... »
Même aux échecs, il est injouable
Quand il n'est pas sur un terrain ou en train d'étudier, « LBB » mène une vie assez ordinaire avec sa petite amie. Sa colocation avec son meilleur pote Nicolas Depoortere est désormais terminée. Pas leur bromance. « Je ne vais pas vous mentir, j'ai acheté une maison à quelques centaines de mètres de chez lui, se marre le centre de l'UBB. Je ne suis pas parti très loin... »
Ils sont souvent accompagnés de Marko Gazzotti, avec qui Bielle-Biarrey est parti en vacances au Maroc après le Tournoi, mais aussi Pierre Bochaton ou encore Corentin Coularis, ancien troisième-ligne de Bordeaux parti à Montauban. Avec un jeu de cartes à portée de main. « Louis a gardé ce lien fort avec ses copains du début », note Chabran.
Il se vide également la tête en jouant aux échecs. Là aussi avec un talent indéniable. « Il adorait déjà ça quand il était gamin », avoue son père. Et depuis plus d'un an, il s'y est mis à fond. « Damian Penaud a picousé un peu tout le monde, s'amuse Marti. Il m'a challengé deux, trois fois, mais il est aussi au-dessus de moi. Surtout, il n'est pas question que j'affronte Louis tant que je ne me suis pas amélioré ! Il est vraiment super fort. Aux échecs, le classement Elo permet de mesurer le niveau des joueurs. Plus vous avez de Elo, plus vous êtes bon. Pour vous donner une idée, je plafonne entre 1000 et 1100. Damian tourne autour de 1300 et « Loulou », lui, a dépassé les 1600. ».
Réponse très sérieuse de l'intéressé : « c'est vrai, mais je stagne... » Comme son frère cadet Samuel, l'Isérois s'exerce très régulièrement sur son téléphone. « Louis s'est piqué au jeu, explique son paternel. Au début, il a commencé à jouer tranquillement. Puis il s'est rendu compte qu'il avait besoin d'apprendre des ouvertures parce qu'il manquait un peu de théorie. Il s'est renseigné avec des tutoriels. Et il a développé une certaine culture. » Avec forcément l'ambition d'être encore meilleur.