Max Verstappen n'est pas un poète. Il y a pourtant du Mallarmé en lui. Pas pour l'hermétisme ou la qualité de la langue qui, convenons-en sans froisser les Pays-Bas, ne sonne sûrement pas aussi joliment que les alexandrins ciselés du poète parisien. Pas plus pour l'élégance qui, comme le champion de 27 ans l'a montré à Barcelone il y a deux semaines, n'est sûrement pas sa principale qualité au volant.
Non, si l'on pense à Mallarmé en regardant le pilote Red Bull, c'est parce que les premiers vers du Tombeau d'Edgar Poe lui collent à la peau : « Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change. » Non, Verstappen ne changera pas. Jamais. Il est ainsi, entier et marmoréen. Rien ne l'atteint. Alors, n'espérez pas que la menace d'une possible suspension d'un Grand Prix (il n'a plus qu'un point sur son permis) modifie d'une quelconque manière sa façon de piloter ou d'envisager le combat.
Jeudi soir, devant une attention nombreuse, il a exposé sa vision, celle que vous connaissez déjà, depuis ses débuts officiels en F1 il y a dix ans. « Pourquoi changerais-je ? Répondait-il de ce ton qui pourrait paraître méprisant mais qui n'est finalement que l'expression de sa franchise. Je vais continuer à courir comme d'habitude. J'ai confiance en moi. » Martin Brundle, le commentateur de Sky Sports, conseillait samedi aux adversaires du Batave de l'attaquer franchement, de profiter de cette potentielle faiblesse née de cette épée de Damoclès. Mallarmé est le poète de l'absence, Verstappen en est le pilote. Absence de pression, de doute. Ni crainte ni peur. Il était ainsi et le restera.
Certes, il s'est officiellement et timidement excusé au lendemain de Barcelone et de son contact avec George Russell, devenu depuis le Qatar, l'an dernier, son meilleur ennemi, celui sur lequel il aime bien cogner. Mais dans les quelques lignes publiées, on ne sentait pas un grand investissement de la part du champion.
Un 5e titre mondial toujours dans le viseur
Dimanche, il partira en première ligne. Pas loin de la pole, pas loin de cette première place qui l'a toujours intéressé, qui n'a jamais été que sa seule obsession. Alors, il y a quinze jours, le Mister Hyde qui s'était mis en hibernation au cours de ces quatre saisons de champion s'est brutalement réveillé. S'était-il vraiment endormi ?
La frustration de voir une course menée de main de maître gâchée par un rappel au stand inopportun (Red Bull a reconnu qu'il aurait fallu le laisser en piste à la sortie de la voiture de sécurité), un contact avec Charles Leclerc suivi d'un second avec Russell puis l'humiliation de lui rendre une place alors qu'il ne devait pas. Il y a de quoi mettre les nerfs en pelotes à des moins nerveux que le champion, vous en conviendrez. Verstappen s'est donc agacé. Et il le fera encore. Parce que d'abord, il n'a certainement pas abandonné ses espoirs d'un cinquième titre.
Il compte près de 50 points de retard sur Oscar Piastri, le leader du Championnat, soit deux victoires, et c'est beaucoup. Pour certains, ce serait irrattrapable. Pas pour Verstappen. En 2022, il en avait remonté 46, certes avec plus de courses (18) pour se refaire qu'aujourd'hui, mais le Néerlandais ne lâche jamais.
Il partira devant l'Australien (3e), même s'il a utilisé deux trains de mediums, ce qui pourrait être pénalisant durant la course, mais il sera devant, et surtout aux côtés de son meilleur ennemi qui l'a d'ailleurs chauffé dès sa descente de voiture, rappelant que lui ne risquait rien, en matière d'exclusion. Le Qatar, l'an dernier, avait montré que le Batave n'appréciait guère le pilote Mercedes. L'Espagne, il y a deux semaines, avait rappelé toute l'inimitié qui existe entre les deux hommes. Le départ de dimanche soir dévoilera sûrement que Verstappen ne craint rien. Ni le Britannique ni l'exclusion.