« Cardiff City accuse le FC Nantes d'être responsable, directement ou indirectement, de la mort d'un homme et vise la mort d'un club, avec cette demande de 122 millions d'euros ». En entamant sa plaidoirie, ce lundi après-midi, devant le tribunal de commerce de Nantes, au relais de son confrère Me Louis-Marie Absil, Me Jérôme Marsaudon, l'un des trois avocats du FCN présents à l'audience, a résumé, depuis sa moitié de terrain, ce qui se joue entre les deux clubs, dans leur interminable guerre juridique et financière.
« La mort d'un homme », c'est celle, accidentelle, d'Emiliano Sala, le 21 janvier 2019, lors du crash d'un petit avion privé dans la Manche, alors qu'il venait d'être transféré de Nantes à Cardiff pour 17 M€. Les « 122 millions d'euros », c'est la somme complète - jugée « extravagante » par Nantes - réclamée par le club gallois au titre des « préjudices subis » (dont sa relégation en Championship) après la perte prématurée de son « actif » argentin, qui n'a jamais évolué sous ses couleurs.
Jugement relatif à l'« incident » le 13 janvier
L'audience de plaidoirie de ce lundi après-midi, qui a duré 1h30, était subsidiaire : elle devait solder un « incident » introduit par le FC Nantes, fin juillet, aux fins de communication forcée de certaines pièces par le Cardiff City FC (CCFC). Un ''litige dans le litige'' dont le jugement a été fixé au 13 janvier. Et qui permettra ensuite à cette procédure civile, entamée en mai 2023 par Cardiff, de reprendre son cours sur le fond.
Pour rappel, le club de Loire-Atlantique, qui a fait part de son « agacement » lors des débats, se plaint de ne pas avoir reçu tout ce qu'il exigeait. Il a dénoncé « un parcours du combattant » pour obtenir les centaines de pièces qu'il a réclamées à son homologue gallois, accusé de « mauvaise foi » et de « tri opportuniste et sélectif ». De son côté, le CCFC, par la voix de Me Olivier Loizon, a évoqué « l'incohérence », l'aspect « dilatoire » et le manque de pertinence des demandes nantaises. « On veut siffler la fin de la récréation », a lancé Me Loizon, qui s'est accroché - verbalement - avec Me Absil, ce qui a poussé le président à intervenir pour calmer les esprits, alors que la tension était subitement montée d'un cran.
Calculs complexes de la « perte de chance » de Cardiff
Les pièces demandées par le FCN, dans ses lettres de sommation, sont de trois ordres. Elles concernent le détail des calculs, très complexes, de la « perte de chance » des Bluebirds après le décès de l'attaquant argentin ; l'intégralité des débats entre Cardiff et son ancien courtier en assurance dans le cadre d'un accord à l'amiable à près de 7 M€, au bénéfice du CCFC, dans une procédure disjointe en Grande-Bretagne ; et enfin l'intégralité des échanges dans une autre procédure annexe, toujours outre-Manche, engagée par Cardiff City à l'encontre du sulfureux agent Willie McKay et sa famille, qui a finalement abouti à un « protocole transactionnel » entre les deux parties.
Si le nom de McKay a résonné à de nombreuses reprises, ce lundi, aux oreilles des quatre juges, dans la salle d'audience du tribunal de commerce, c'est que Cardiff a construit son argumentaire sur le rôle-pivot de l'agent de 65 ans, en mettant inlassablement en avant sa responsabilité dans ce transfert funeste, dans sa liaison directe avec le FCN ; une pièce centrale de ce drame, dans lequel il fut également un organisateur du vol fatal à Sala. Alors que le FCN, de son côté, se retranche derrière le mandat-vente du joueur, signé à l'époque avec Mark McKay, un des deux fils de Willie, qui a réclamé et obtenu une commission de 1,7 M€ après ce transfert morbide.
Courriel de McKay aux conseils britanniques du FCN
Le FCN se montre pourtant très intéressé par l'accord signé par Cardiff avec la famille McKay au Royaume-Uni et par les écritures inhérentes. « Nous ne disposons pas des résultats de la transaction avec les McKay, ont regretté les conseils du FCN dans leur plaidoirie. Nous voulons en connaître le détail et les contreparties. Tous ces éléments sont utiles à la manifestation de la vérité ». Un jeu dans lequel Cardiff City a commencé, ce lundi, à abattre quelques cartes.
En évoquant notamment, à la fin de l'audience, une pièce transmise par courriel par Willie McKay, le 10 juin 2020, au cabinet Squire Patton Boggs, conseils britanniques du FCN, en pleine procédure devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Une procédure au terme de laquelle Cardiff City, qui contestait la validité du contrat du joueur, a été débouté de toutes ses demandes, contraignant les Bluebirds à régler intégralement les indemnités de transfert au FCN. « On a la preuve que Willie McKay a continué à communiquer avec le FC Nantes pendant le contentieux », a ainsi illustré Me Loizon, en fin d'audience, en agitant sa pièce n°64 à la barre. Une offensive anglée repoussée par les avocats du FC Nantes et qualifiée après-coup de « pur écran de fumée ».