Il y avait du monde dans le bourg, jeudi, surtout autour de l'équipe Groupama-FDJ, venue en nombre pour ces Championnats de France, une bonne soixantaine de personnes jusqu'à dimanche. Mais on parlait surtout d'un absent, qui doit arriver dans la cité vendéenne aujourd'hui : David Gaudu. En annonçant son forfait pour le Tour de France dans un entretien à l'AFP, le leader de la formation française (avec laquelle il a prolongé en mai son contrat de deux ans, jusqu'en 2027) a acté une saison pour l'instant « chaotique » pour reprendre le terme de son manager général Marc Madiot, entre gamelles, méforme et agacements.
À 28 ans, et pour la première fois depuis 2018, il ne prendra pas le départ de la Grande Boucle : « Vu mon niveau actuel... J'ai été transparent avec l'équipe. De toute façon, ils ont mes valeurs, mes données et donc on a décidé ensemble de zapper le Tour cette année ». Une décision « collégiale » selon les responsables, à la fois évidente vu ses résultats des dernières semaines mais pas si simple à prendre en regard de son statut de 4e du Tour en 2022. Son entraîneur, David Han expliquait, jeudi, qu' « il aurait pu se présenter au départ du Tour mais aujourd'hui si tu n'es pas à 100 %, tu n'existes pas. Et il n'aurait pas eu le temps d'être à 100 %. Il a eu du repos après le Giro et, à son retour, du mal à revenir. Les données ne sont pas exceptionnelles. Finir le Tour pour le finir, cela n'a pas d'intérêt pour lui, ni pour l'équipe. »
L'an passé, il l'avait terminé à la 65e place, anonyme du peloton et loin des promesses que son moteur présupposait. Cette fois, « complètement cuit », il l'a serré et, pour rester dans le champ lexical de la mécanique, Madiot préfère lui laisser du temps pour se reconstruire, sur tous les plans : « À un moment qu'est-ce qu'on fait ? On continue de s'enfoncer alors qu'il n'est pas au max ou on fait un reset et on assure la fin de saison ? On va y aller par étapes, on règle la machine pour la remettre en état de marche car elle a des cabosses et on repart. Ses qualités intrinsèques ne s'envolent pas comme ça. Si le train déraille toutes les cinq minutes parce que les rails ne sont pas bien fixés, il va continuer de dérailler. »
« Le Giro a remis un mauvais coup et quand tu ne finis pas cette course sur la pente ascendante, c'est compliqué d'aller sur le Tour ensuite »
David Han, son entraîneur
En interne, on se pose la question de ces multiples chutes - quatre depuis cet hiver (à cause d'un chat à l'entraînement, puis en course sur les routes italiennes des Strade Bianche, de Tirreno-Adriatico (fracture à la main) et du Giro en mai (entaille à la main) - mais on sait déjà leurs conséquences : « On a pas mal couru après le temps avec ses chutes, admet Han. Le Giro a remis un mauvais coup et quand tu ne finis pas cette course sur la pente ascendante, c'est compliqué d'aller sur le Tour ensuite. »
Madiot veut rallumer la flamme
Dans la tête, également, rien n'est simple et le coureur breton, pas vraiment le plus populaire, peinerait encore à digérer ces périodes où rien ne va, quand « les emmerdes volent en escadrilles comme disait Chirac, note Madiot qui invite son leader à ne pas trop écouter "les sarcasmes". Par moments, cela l'a abattu mais je veux qu'il transforme ça en revanche, appuie le manager. Je veux de la hargne (rires). Dans une carrière, on a toujours des moments difficiles. En 1990, le 15 décembre, j'étais chômeur. Un mec, Charly Mottet, m'a appelé. Il m'a dit : "J'ai une place pour toi et ton frère (Yvon)". Banco, j'ai signé et cinq mois après je gagnais Roubaix. C'est ça que j'attends de Gaudu. »
En attendant, le vainqueur d'une étape sur le Tour d'Oman en début de saison suivra l'épreuve reine - qui passera en Bretagne, chez lui - devant sa télévision, avec un programme qui pourrait le mener à la Vuelta où il avait été à son avantage l'an passé (6e). Du côté de sa formation, en vue du mois de juillet, Madiot estime que « son forfait ne change pas grand-chose car notre stratégie était déjà autour de Romain Grégoire et dans le suivi de Guillaume Martin (-Guyonnet). Avoir David Gaudu opérationnel, cela aurait été formidable mais s'il est à 50 %, ce n'est pas le bon choix. » Un mois à l'herbage, loin de la pression du grand barnum estival, ne peut pas lui faire de mal.