Au bout d'une saison lancée sur un désamour avec les Bleus, dont il avait alors envie de s'éloigner pour mieux se ressourcer, Kylian Mbappé prend l'habitude des débuts de rassemblement un peu curieux, au moins voilés par quelques questions. En mars, son retour aux affaires internationales nourrissait l'actualité, après un automne tourmenté qui avait vu l'équipe de France se débrouiller sans lui en octobre et en novembre. Cette fois, l'ombre vient du Paris-SG et elle est cruelle, car il s'agit d'une lumière pour le club avec qui il entretient un conflit financier.
Vainqueurs de la Ligue des champions, samedi contre l'Inter Milan (5-0), les Parisiens ont réalisé le rêve que n'a jamais touché l'attaquant lors de ses sept saisons dans la capitale, quand la C1 était une obsession sans cesse déçue, dans des proportions plus ou moins douloureuses. En rejoignant le Real Madrid l'été dernier, il tournait le dos à cette malédiction afin de basculer dans le camp de ceux pour qui le triomphe est une routine, mais le tenant du titre a été balayé avec lui par Arsenal en quarts de finale (0-3, 1-2), a échoué à la deuxième place de Liga derrière le FC Barcelone, et la machine à remporter les trophées a dû se contenter d'une Supercoupe d'Europe et de la Coupe intercontinentale.
Mbappé a marqué lors des deux matches, contre les Italiens de l'Atalanta Bergame (2-0, le 14 août) et les Mexicains du CF Pachuca (3-0, le 18 décembre), et ses statistiques individuelles sont celles d'un galactique qui a su traverser les turbulences pour confirmer que le costume était taillé pour lui : meilleur buteur de Liga avec 31 buts, il a remporté le Soulier d'Or européen en marquant 43 fois, toutes compétitions confondues. Ce n'est pas rien et c'est même une première pour un Français depuis Thierry Henry, récompensé en 2004 et 2005, mais personne n'ignore que ce n'est pas ce que Mbappé, 26 ans, est venu chercher en Espagne.
Libéré lundi, seulement, par le Real Madrid
Si cette frustration amuse les supporters parisiens, qui n'ont pas oublié de penser à lui dans la nuit munichoise, elle ne s'est pas immiscée à Clairefontaine, que le capitaine des Bleus a retrouvé lundi. Les Parisiens et les Milanais ont débarqué le soir tandis qu'il a poussé les portes du château en fin de matinée, avec Aurélien Tchouaméni, puisque le Real n'avait pas autorisé ses joueurs à rejoindre leur sélection vendredi, trois jours avant le début officiel de la fenêtre internationale.
Didier Deschamps était bien obligé de prendre acte et il a répété vendredi que ses deux cadres auraient voulu arriver plus tôt, une façon de souligner l'état d'esprit irréprochable de sa star (88 sélections, 48 buts), déjà loué en mars après le renversement de la Croatie, en quarts de finale de Ligue des nations. De la défaite de Split (0-2) à l'euphorie du Stade de France (2-0, 5-4 aux t.a.b.), Mbappé avait retrouvé un statut central tout en prouvant qu'il savait toujours s'épanouir dans un collectif.
« Kylian a été un formidable leader, avec des prises de parole très justes sur le terrain et en dehors, beaucoup d'enthousiasme et de volonté, avait soufflé le sélectionneur. Il a eu une période difficile mais c'est un grand joueur, et il a été un formidable leader et capitaine sur ce rassemblement. »
Pas seul dans la course au Ballon d'Or
Trois mois après, l'équipe de France débute le Final Four de Ligue des nations jeudi contre l'Espagne, et le staff des Bleus constate pour l'instant que rien n'a changé. Comme en mars, la nouvelle dimension d'Ousmane Dembélé amènera peut-être Mbappé à davantage partir du côté gauche, ce qui ne le dérange pas du tout, et les premières images de Clairefontaine suggèrent que la complicité entre les deux amis n'est surtout pas effritée par la course au Ballon d'Or, où celui qui est le mieux placé n'est pas celui qu'on attendait. « Regarde Marcus (Thuram) », a ainsi lâché le Madrilène pour attirer l'attention de Dembélé sur le visage fermé de l'Interiste, pendant que le groupe applaudissait les champions d'Europe, qu'il a félicités sur ses réseaux dès samedi soir, et en face-à-face lundi.
« Il y a une vraie séparation entre le conflit qu'il peut avoir avec le PSG et l'amitié sincère qu'il a nouée avec les joueurs parisiens », observe-t-on autour des Bleus, qui sont pour Mbappé une chance d'éclairer sa saison, avant la Coupe du monde des clubs (15 juin-13 juillet). Il la disputera avec un nouvel entraîneur, Xabi Alonso, de nouvelles exigences, mais il doit d'abord effacer une mauvaise statistique individuelle, une rareté : il vient d'enchaîner sept matches sans marquer avec la France, et ce n'est pas vraiment digne d'un Soulier d'Or.